08 juillet 2024
La dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, le 9 juin dernier, conjuguée aux résultats des élections législatives, sont source d’interrogations sur les perspectives fiscales à venir.
De multiples scénarios sont envisagés par les analystes politiques, allant d’un gouvernement assis sur une majorité plurielle à celui d’un gouvernement technique. La situation politique sera par conséquent probablement mouvante au cours des prochaines semaines.
Dans ce contexte, il nous semble essentiel de rappeler le cadre et le timing des potentielles évolutions en termes de fiscalité pour mesurer s’il est pertinent d’agir dès à présent ou au contraire s’il est prudent d’attendre. Par ailleurs, cette situation peut aussi être l’opportunité de mener une réflexion intégrant l’ensemble des dimensions de votre patrimoine.
La première réunion des parlementaires de la 17ème législature devrait se tenir le 18 juillet 2024 à l’Assemblée nationale et aucune nouvelle dissolution ne peut être prononcée dans l’année qui suit la dissolution.
Processus de vote et d’adoption d’une loi
Rappelons que pour qu’un Gouvernement puisse faire voter de nouvelles lois, celles-ci doivent être discutées successivement par l’Assemblée nationale puis au Sénat, jusqu’à l’adoption d’un texte commun (ce renvoi d’une assemblée à l’autre s’appelle la « navette »). En l’absence d’accord, comme c’est généralement le cas dans les processus d’adoption des lois de finances, le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire en charge de l’élaboration d’un texte de compromis soumis aux deux chambres parlementaires. En cas de désaccord persistant, le Gouvernement peut décider de demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, impliquant un vote avec une majorité.
D’où l’importance de la notion de majorité à l’Assemblée nationale :
La procédure de l’article 49-3 de la Constitution permet au Premier ministre de faire passer « en force » un projet de loi de finances en engageant la responsabilité du Gouvernement. Néanmoins, ce procédé n’est utilisé que lorsque le Gouvernement a l’assurance, en cas de dépôt d’une motion de censure, que celle-ci ne soit pas votée par l’Assemblée nationale.
La promulgation de la loi se fait en principe dans les quinze jours qui suivent son adoption mais elle peut être suspendue par la saisine du Conseil constitutionnel. Les dispositions non conformes à la Constitution seront ainsi inapplicables. A titre d’exemple en 2012, le Conseil constitutionnel avait censuré de nombreuses mesures, par exemple en pointant :
Par ailleurs il est aussi intéressant de rappeler qu’à l’occasion de cette loi de finances, le conseil avait affirmé qu’un barème de l'impôt de solidarité sur la fortune devait être assorti d’un dispositif de plafonnement des impositions ; finalement retenu dans la loi de finances à hauteur de 75% des revenus (impôt sur le revenu, prélèvements fiscaux et ISF). Inversement, la Contribution exceptionnelle sur la fortune de 2012 fut mise en place sans système de plafonnement, compte tenu de son taux et de son caractère non renouvelable.
A ce stade, nous ne disposons que de promesses de campagne, probablement évolutives, qui ne peuvent être commentées. Seul un projet de loi permettra d’entrevoir de manière constructive les intentions d’un nouveau Gouvernement.
Toutefois, la présentation d’une loi de finances rectificative en juillet ou courant août ne nous paraît pas encore acquise, compte tenu des vacances parlementaires au mois d’août et les discussions ne pouvant se tenir que lors d’une session extraordinaire ouverte sur décret du Président de la République. Aucune date n’avait été annoncée par le Rassemblement National alors que le Nouveau Front Populaire, en cas de majorité, avait initialement indiqué vouloir adopter un texte proposant ces mesures début août, ce qui paraît peu probable à ce stade.
Néanmoins, en cas de dépôt d’une loi de finances rectificative au cours de l’été, en l’absence de majorité et en raison du délai très court de préparation, celle-ci ne pourrait probablement contenir que quelques mesures qui seraient susceptibles de faire l’objet d’un consensus. D’autres mesures pourraient être intégrées dans les lois budgétaires de fin d’année avec toutes les difficultés liées à leur adoption ci-dessus mentionnées.
L’exercice est difficile mais certaines pistes communes à différents programmes doivent toutefois être considérées telles qu’une révision de l’IFI, un alourdissement de la taxation des dividendes/plus-values (flat tax) ou une modification des règles applicables en matière de transmission.
Compte tenu du risque éventuel de rétroactivité sur le sujet de la flat tax ou de l’IFI, sur ces questions, il convient d’attendre afin d’analyser les projets de loi voire les lois définitivement adoptées. Alors, pourront se dessiner pour l’avenir des réflexions quant à la structuration à mener à court ou moyen terme.
Également, le risque de rétroactivité ne devrait pas s’appliquer sur les transmissions réalisées (transmission de patrimoine, transmission d’entreprise, pacte Dutreil…) avant le dépôt d’une éventuelle réforme, permettant l’anticipation.
Enfin, concernant le dispositif Dutreil, les discussions lors de la loi de finances pour 2024 ont été l’occasion de soulever des interrogations quant au maintien de ses avantages en cas de détention d’actifs mixtes (patrimoniaux/opérationnels). Bien qu’aucune piste en ce sens n’ait été dévoilée à ce jour, ce dispositif pourrait faire l’objet d’un recentrage de son avantage.
En conclusion, toute opération patrimoniale doit être mise en œuvre après analyse des implications à votre cas particulier par votre/vos conseils (notamment Notaire, avocat,…) et en prenant en compte plus largement vos enjeux personnels.
Notre équipe d’ingénierie patrimoniale ainsi que nos banquiers sont à votre disposition pour échanger sur ces sujets.